Du 15 au 17 janvier 2025, s’est tenue la Wikimedia+Libraries International Convention à Mexico City, réunissant des wikimédien·nes, des bibliothécaires et des professionnels de l’information ayant fait le déplacement du monde entier. Cette deuxième édition (après celle de 2022 en Irlande), organisée par le Wikimedia and Libraries User Group en collaboration avec des groupes affiliés de la région, se déroule au Colegio de México.

Le thème principal de cette année, « La désinformation comme menace », cherche à identifier le rôle crucial des bibliothécaires et des professionnels de l’information dans la lutte contre la désinformation au sein du mouvement Wikimédia.
En tant que Wikimédien en résidence à l’Université de Strasbourg, je participe à cet événement pour monter en compétences, échanger des expériences avec les autre participant·es, entamer de nouvelles collaborations et chercher à mieux fiabiliser l’information dans nos projets communs.
Assis pendant… 12h ! ✈️
Le trajet en avion, que j’imaginais plus court, à duré 12 heures. J’avais un vol direct, de Paris CDG jusqu’à Mexico City. Le tracé était quelque peu inhabituel, puisque nous avons d’abord volé jusqu’au nord du Canada avant de survoler du nord au sud les États-Unis, pour enfin arriver au Mexique.
Ce n’est pas un mythe, l’enfant qui pleure pendant tout le vol existe bel et bien. Et il était juste à côté de moi. Heureusement, je n’avais pas prévu de dormir, et avais emporté mon casque audio, me permettant de regarder quelques films. J’ai particulièrement apprécié Le tableau volé (2024), dont l’intrigue se déroule à Mulhouse.


En arrivant à Mexico, j’ai d’abord patienté pour récupéré mon bagage. Carrousel n°18 ! Je m’approche de l’appareil et observe autour de moi, les visages. De loin, je repère quelqu’un qui ressemble à Bigflo, le rappeur français, célèbre pour son duo avec son frère, Oli. Je trouve la ressemblance frappante, si bien que je m’approche doucement, d’abord innocemment, pour en avoir le cœur net.
Arrivé à un bon mètre derrière lui, proche de l’arrivée des bagages, je vois son frère, Oli, à côté de lui. Plus de doute, c’est bien eux ! J’attends la fin de leur conversation pour ne pas leur couper la parole et me lance “Bonjour, excusez-moi, c’est bien Bigflo et Oli ?” Nous discutons quelques minutes, une petite photo pour avoir un souvenir de cette rencontre et je leur donne mon adresse mail, sur leur demande, pour que l’on échange plus longuement de Wikipédia, ultérieurement.

En sortant de l’aéroport, j’active ma carte eSIM locale pour accéder au réseau et rejoins mon hôtel pour une première nuit bien méritée. La chambre est spacieuse, je m’y sens bien !
WikiLibCon25 – Jour 1
Après une première nuit plutôt chaotique (le décalage horaire ne plaisante pas), je découvre le petit déjeuner de l’hôtel. Après quoi je me dirige vers le Colegio de México, établissement d’enseignement supérieur.
La sécurité ne plaisante pas non plus. Avant de venir au Mexique, nous avons dû compléter un formulaire pour indiquer les numéros de série de nos appareils numériques. L’entrée dans l’enceinte de l’établissement se fait après vérification.
Je récupère mon badge et, ça y est, je suis à l’intérieur. Un deuxième “petit déjeuner” est servi, par la conférence cette fois-ci. C’est plutôt un encas, avec fruits, café et gâteaux. Dans une dizaine de minutes, la journée commencera par une session de bienvenue !
👋 Session de bienvenue
Nous avons commencé par un mot d’accueil, rappelant que cette année était la deuxième édition de la conférence, après une première en Irlande en 2022. Il nous est également donné des consignes en cas de tremblement de terre, ce qui ne m’a d’abord pas rassuré, mais qui finalement est similaire à ce que l’on peut entendre en France concernant d’autres risques.
📚 Pourquoi les bibliothécaires deviennent wikimédien·nes ?
L’une des présentations les plus marquantes pour moi a été celle de Silvia Gutiérrez, qui a analysé pourquoi les bibliothécaires deviennent wikimédien·nes. Plusieurs motivations ressortent, détaillées ci-dessous.
Elle identifie plusieurs patterns qui poussent les bibliothécaires à devenir wikimédien·nes et les raisons associées :
- L’alignement des missions : les bibliothécaires et les wikimédien·nes partagent la même mission, celle de donner accès à la connaissance recherché par les individus.
- Éducation aux médias et à l’information : rester critique de Wikipédia et enseigner comment trouver l’information correctement.
- Apprentissage de la synthèse d’information : apprendre à écrire du contenu vérifié par des sources et appuyé par des références. Par exemple, organiser des ateliers d’écriture.
- Renforcer les liens de communauté : travailler avec d’autres établissements, d’autres wiki-bibliothécaires.
- Monter en compétences techniques : apprendre à utiliser Wikidata dans le cadre de son travail, toucher à des outils comme OpenRefine.
- Par activisme de genre ou par féminisme : pour aider à faire baisser le fossé de genre sur les projets Wikimédia et mener des projets engagés.
- Par activisme linguistique ou culturel : pour valoriser les patrimoine locaux ou collections de l’établissement.
Une infographie a été réalisée pour présenter ces résultats, et est disponible ici en anglais.
👥 L’enjeu des communautés au sujet de la désinformation
Costanza Sciubba Caniglia (Wikimedia Foundation) a abordé la désinformation sous l’angle des communautés. Elle a rappelé que Wikimédia fonctionne grâce à ses contributeurs bénévoles, sans but lucratif ni publicité, ce qui garantit une information neutre et vérifiable. La Fondation a mis en place une stratégie en six points pour lutter contre la désinformation, notamment par l’éducation, le développement d’outils et des collaborations avec des institutions.
Le prisme des communauté est la clé selon elle, puisqu’autant la désinformation que l’information peuvent être engendrés par des communautés. Elle illustre son propos en parlant de la mouvance conspirationniste des QAnon, et du mouvement Wikimédia.
🤖 Utiliser les LLM pour détecter la désinformation ?
Plusieurs interventions ont exploré l’impact des LLM sur la vérification de l’information, comme celle d’Eva Seidlmayer, qui utilise le traitement automatique du langage pour détecter les fausses informations. Un outil qu’elle développe attribue un score de probabilité à la désinformation, ce qui pourrait être une aide précieuse pour les fact-checkers.
Malheureusement, son outil n’est pas encore disponible en ligne, mais devrait l’être bientôt.
🙊 Quelles voix (ne) sont (pas) en ligne ? La désinformation d’un point de vue des minorités.
Pour démarrer, Mariana Fossati nous présente un article de Molly White au sujet de Wikipédia et d’Elon Musk, elle nous encourage à le lire, ce que je n’ai pas encore fait. Elle nous rappelle ensuite quelques chiffres sur le fossé de genre sur Wikipédia, rappelant que 10% seulement des personnes qui contribuent sont des femmes ou des personnes non-binaires. Elle nous montre également une carte des articles qui sont géotagués, nous faisant constater que la majorités sont en Amérique du Nord et en Europe.

Elle en conclue ensuite que le savoir publié en ligne n’est pas représentatif de la majorité du monde. De plus, les auteur·es ne sont pas représentatif·ves de l’intégralité du monde. Ce qui révèle une forme d’injustice de la connaissance, envers les communautés minorisées, leur donnant une voix plus faible.
🐠 Sortie culturelle : sur les terres des axolotls
Nous avons eu l’occasion, le premier soir, de faire une balade d’une heure en bateau à fond plat sur les canaux emblématiques de Xochimilco, un site classé au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1987. Les axolotls, endémiques de la région de Xochimilco, sont partie intégrante de la culture locale. Mais malheureusement, la pollution et l’introduction d’espèces invasives menacent actuellement leur survie, les classant comme en danger critique d’extinction.




WikiLibCon25 – Jour 2
Deuxième jour de la conférence, et toujours autant de discussions sur Wikimédia, les bibliothèques et la fiabilité de l’information.
🤖 IA et lutte contre la désinformation
Alan Ang (Wikimedia Deutschland) nous a rappelé quelque chose d’évident mais de crucial : l’IA est partout et elle n’est pas prête de disparaître. Où est le problème dans ce cas ? Elle peut balancer des erreurs, avec un ton similaire à la réalité.
Un point a retenu mon attention : Wikidata est biaisée, avec une surreprésentation de certaines régions du monde. Quelle solution dans ce cas ? Contribuer, ajouter des références et relier les catalogues de bibliothèques à la base de données.
📚 Bibliothèques et Wikimédia : des collaborations concrètes
Des bibliothèques sont venues nous présenter leur partenariat ou travail avec les projets Wikimédia. Voici ce que j’ai retenu des deux présentations qui nous ont été faites :
- Bibliothèque nationale de Géorgie : intégration à VIAF, formation du personnel à Wikidata.
- Bibliothèque nationale d’Israël : mise en ligne de 200 000 fichiers sur Commons et 827 000 identifiants uniques. En 2020, elle a dominé la campagne 1Lib1Ref avec 5 000 références ajoutées. Son approche montre que les bibliothécaires ont un rôle clé dans l’écosystème Wikimédia.
🧐 Wikipédia et l’éducation à l’information
La journée s’est terminée sur une question ouverte : face aux évolutions du web, sommes-nous mieux informés ou plus exposés aux biais et à la désinformation ? Wikipédia et les projets Wikimédia pourraient jouer un rôle clé dans cette transformation.
🎾 Sortie culturelle : Campus universitaire et stade olympique
Nous sommes alors allé en autocar visiter le campus universitaire de Mexico, sur lequel nous avons pu découvrir cette magnifique bibliothèque décorée.

Après quoi nous avons traversé la rue pour rejoindre le stade olympique universitaire, construit en 1952 et réputé pour avoir accueilli les jeux olympiques d’été 1968. C’est dans ce stade que Tommie Smith et John Carlos lèvent le point, en signe de contestation politique.
C’est également dans ce stade que, pour la première fois, c’est une femme qui allume la flamme olympique. C’est Norma Enriqueta Basilio de Sotelo qui allume le chaudron.

WikiLibCon25 – Jour 3
C’est déjà la dernière journée. Heureusement que j’ai prolongé sur mon temps personnel, parce que c’est passé tellement vite !
🔗 Renforcer l’écosystème de l’information
Costanza Sciubba Caniglia et Brisa Ceccon Rocha (Wikimedia Foundation) ont abordé la question des partenariats entre Wikimédia et d’autres secteurs. Face à la désinformation, la coopération entre bibliothécaires, chercheurs et journalistes est essentielle. Wikimédia, en tant que plateforme ouverte, joue un rôle clé en facilitant l’accès à des données fiables.
🎵 Moment culturel : musique traditionnelle !
En soirée, dans la cour du Colmex, nous avons eu droit à un petit concert traditionnel, avec chant et danse. Les instruments étaient au rendez-vous, et l’apéritif aussi !

La WikiLibCon, c’est déjà terminé… Mais mon voyage ne l’est pas. J’ai prolongé de quelques jours, sur mon temps personnel, pour aller faire quelques immanquables de Mexico.
Musée Frida Kahlo
J’ai évidemment passé une tête à la Casa Azul, lieu mythique de Mexico, où Frida Kahlo à passé sa vie. Maison d’origine, ils en ont fait un musée qui vaut vraiment le coup d’être exploré, surtout pour le prix dérisoire, une fois converti en euros, que coute l’entrée.





Centre ville
J’ai aussi changé d’hôtel, pour profiter d’une meilleure vue. Et puis, je suis allé faire un tour au centre-ville pour voir la superbe cathédrale.




Et voilà qu’il est déjà l’heure de rentrer… Au final, c’était un voyage riche en émotions et en apprentissages. Certains concepts présentés me sont aujourd’hui utiles au quotidien. Je pense notamment à cette frise des différentes motivations à contribuer aux projets Wikimédia.
À bientôt, Mexico !