Il y a des choses auxquelles on ne croit pas du tout. Et là, l’histoire dont je vais vous parler, je n’y croyais pas du tout. Mais vraiment, pas du tout. Pour tout vous dire, j’avais même prévu autre chose sur le même créneau, tellement j’étais persuadé que ça ne se produirait pas.
Le 25 juin 2025, Volodymyr Zelensky, président de l’Ukraine, s’est rendu pour la première fois à Strasbourg, au Conseil de l’Europe. Et j’ai eu la chance et l’énorme honneur d’être accrédité en tant que photographe de presse, et d’y faire des photos pour Wikimedia Commons.
Cette nuit-là, j’ai très mal dormi, pour ne pas dire quasiment pas fermé l’œil. Je me lève à 5h du matin, non parce que mon réveil a sonné, mais naturellement, parce que j’en ai marre de tourner dans mon lit, à ne rien faire. Oui, je suis vraiment, mais alors vraiment, très fatigué. Je prends d’abord un petit déjeuner, sur ma terrasse, avec le lever du soleil comme compagnon. (Et avec mon chat, évidemment !)
En route ! Direction Strasbourg, pour traîner au bureau aujourd’hui, avant d’aller au CoE (Council of Europe) en fin d’après-midi. J’ai encore une réunion professionnelle, sur mon temps de congés, en fin de matinée. Il faut que j’assure sur tous les fronts.
Arrivé au bureau, non sans mal, c’est l’heure de prendre un bon café, pour se revigorer. Et ensuite, objectif dormir encore un peu. Assis sur ma chaise de bureau, dos à la porte, j’essaye d’ajouter un peu de sommeil à mon capital, mais impossible : il fait chaud, l’extérieur est bruyant, la lumière omniprésente.
Alors je prends le temps d’écrire ces quelques lignes, peut-être pour contre-balancer le stress dans lequel je suis actuellement, de savoir arriver l’inconnu, ce soir.
Il est attendu pour 19h00, mais mon badge est disponible dès 8h30 le matin. Je ne vais évidemment pas y aller aussi tôt, au risque d’y passer une journée bien inintéressante. Je compte partir à 16h du bureau, afin d’y arriver à 17h et ainsi avoir le temps de repérer les lieux. Mon angoisse, c’est de ne pas être guidé : c’est la première fois que je suis accrédité au CoE.
Début d’après-midi, je ressens la fatigue encore bien plus que ce matin. J’en profite alors de découvrir que mon siège de bureau possède une fonction pour s’allonger et ainsi débloquer le dossier. C’est bien, je le découvre à la fin de mon contrat. Enfin, j’ai pu récupérer un peu en somnolant pendant une heure.
Ni une, ni deux ! Il est 16h, j’empoigne mes affaires, dont mon appareil photo, pour quitter le campus universitaire et me diriger vers le tram. Une fois en déplacement, je reçois une notification sur mon téléphone. Ce sont les Dernières Nouvelles d’Alsace qui ont publié un nouvel article concernant le président Zelensky.
Enfin, pas tout à fait, en fait, ils ont publié au sujet du dispositif de sécurité qui entoure la venue du président à Strasbourg. Ainsi, j’apprends que la zone est bouclée dès 16h et qu’il va être difficile d’approcher du bâtiment. Alors le stress remonte de plus belle.
Mais une fois arrivé sur place, aucune barrière bloquante. Pas de contrôles abusifs, simplement les forces de l’ordre. J’approche le bâtiment sans trop de souci. À l’accueil, présentation obligatoire des papiers d’identité : j’ai choisi le passeport. On me fouille de fond en comble, on se croirait à l’aéroport.
Me voilà à présent à l’intérieur de ce superbe bâtiment. Les seules fois où j’avais pu y pénétrer, en tant que visiteur, les couloirs étaient vides. Toutes les allées : désertes. Mais cette fois, pas du tout : c’est tout le contraire ! Les gens s’agitent, vont et viennent dans tous les sens. On sent que quelque chose se prépare. Je monte au premier étage et je rejoins la “Press room”. Elle est dédiée aux médias, qui sont déjà nombreux à être présents. On m’annonce que la salle risque d’être complète ensuite. Mais je suis rassuré, je crois avoir le badge me permettant d’entrer dans l’hémicycle, je comprends alors que je vais pouvoir faire un beau lot de photographies.
Il ne reste plus qu’à patienter patiemment et avec patience !

À l’accueil de la salle de presse, je laisse échapper mes questionnements d’angoisse et pose à la gentille dame qui y est installée.
— À quelle heure vient-il ?
— Où va-t-il passer ?
— Quels sont les endroits que je ne peux pas atteindre ? Où ai-je le droit de circuler ?
Bref.
Autant de questions qui me trottent dans la tête par stress de venir dans un tel endroit pour la première fois. Le stress fait venir autre chose, de bien connu : le pipi de stress. Je cherche des toilettes, et à mon retour, cette même dame me tend une feuille : un communiqué concernant les détails du trajet que Zelensky va emprunter au sein du palais.
Je découvre alors que son avion est en retard, et qu’il faudra encore patienter. Arrivée prévue pour 20h30 à présent.
Les photographes doivent être positionnés dans le carré presse, en haut de l’escalier principal, et ce pour 19h45 dernier délai. Après quoi les barrières seront placées et la circulation rendue plus difficile.
Une fois installé, après un coup de chance, au premier rang, j’entends des bruits de couloirs, des murmures : il n’arrivera pas au palais à 20h30, mais atterrira à l’aéroport de Strasbourg-Entzheim à cette heure, ce qui décale encore son arrivée d’au moins une demie heure, sinon davantage. La patience… la patience.
Tout le monde est en place. Les drapeaux sont déployés aux étages et pendant dans l’entrée. Les caméras sont braquées sur l’entrée du palais. L’arrivée est imminente.
De grands écrans sont placés dans le hall, nous permettant d’avoir un aperçu sur l’extérieur. En même temps, je sors mon téléphone portable pour aller voir la vidéo en direct du Conseil de l’Europe et espérer apercevoir son arrivée dans le bâtiment.
Des voitures ! Je vois sur l’écran les voitures noires, avec les drapeaux ukrainiens qui arrivent. C’est tout proche. Il descend de sa voiture et rencontre d’abord les officiels, devant l’entrée.

Nous, photographes de presse, ne pouvons pas assister à ce moment. Nous sommes quelques marches plus haut, à l’attendre pour son entrée.
J’apprends qu’il entre par les cris, les hurlements, poussés par la foule, enjouée de le voir arriver. Certains chantent, d’autres parlent en ukrainien.
Il monte les escaliers.

Dans le carré presse, j’ai eu la chance et l’honneur de croiser son regard, alors qu’il regardait la foule. Cette photo restera dans la liste de mes préférées que j’ai pu réaliser jusque là.




Après son passage devant nous, en direction du bureau du Secrétaire Général, recommence l’attente. Pour son retour cette fois-ci. Il est prévu qu’il repasse dans l’autre sens pour monter devant le Conseil des Ministres. Alors je patiente pour espérer avoir d’autres clichés.
Sa prochaine étape, c’est l’hémicycle. Alors, avant d’y pénétrer, je retourne en salle de presse pour changer d’objectif. Je passe d’un objectif classique à un téléobjectif. L’idée, c’est de pouvoir faire des clichés de loin, depuis le fond.
Je cours dans tous les sens, je ne veux pas en louper une miette.














Enfin, il est l’heure de quitter le bâtiment. Non parce que le discours est terminé, mais parce que d’autres obligations me forcent à me lever tôt le lendemain. Il est pratiquement minuit, et je ne suis pas encore chez moi…
Je cherche par où quitter le Palais de l’Europe, et croise par la même occasion l’attaché de presse du conseil, qui me dirige vers le parking sous-terrain, dans lequel je peux trouver une porte arrière, ouverte.
Un peu de tram 🚈, de la marche 🚶, une heure de voiture 🚗 et me voilà chez moi 🏠 !
Je retiens de cette expérience un stress monumental. Être pour la première fois dans un lieu, pour une occasion si particulière et importante, c’est très impressionnant.
Si c’est à refaire : je signe ! Qui sait, peut-être que le Conseil de l’Europe m’accueillera à nouveau pour d’autres occasions. Je l’espère.